mardi 18 février 2014

D'une certaine BD franco-belge qui ne se porte pas très bien, il faut l'avouer…

Passé aujourd'hui aux éditions Çà et Là pour lesquelles je suis en train de traduire Snakes and Ladders, un monologue d'Alan Moore mis en images par Eddie Campbell. Discussion avec Serge Ewencwyk, créateur de la maison d'édition, qui a récemment publié sur son blog le bilan des ventes de 2013. L'un des sujets abordés était que les éditeurs de BD, qu'ils soient grand ou petits, publient beaucoup de livres dont les ventes ne dépassent pas les quelques milliers, voire les quelques centaines d'exemplaires. La plupart des gens semblent incapables de comprendre que le potentiel de vente d'un livre - et par là toute l'économie qui en découle - ne dépend pas de la taille de sa maison d'édition. Il y avait eu il y a quelques mois une discussion assez animée sur actuaBD au sujet de la rémunération des auteurs dans la revue Papier, publiée par les éditions Delcourt. En me basant sur les informations données par le rédacteur en chef de la revue, Lewis Trondheim, sur son tirage et les ventes escomptées, ainsi que sur son prix de vente, j'avais calculé que la rémunération annoncée me semblait juste. Mais décidément, pour certains participants, l'idée qu'un gros éditeur comme Delcourt envisage de publier et de vendre une revue à "seulement" 3000 exemplaires était le signe d'un manque d'ambition de sa part. Comme on dit en anglais : "damned if you do, damned if you don't".
Ces dernières années, on a beaucoup écrit et commenté sur la surproduction dans le domaine de la BD, et sur les conséquences désastreuses qu'elles auraient sur les revenus des auteurs. J'ai l'impression que l'on a sur ce sujet considérablement généralisé. Il me semble qu'il n'y a pas aujourd'hui un marché de la BD mais des marchés (par exemple celui de la BD jeunesse, celui du roman graphique…) qui ne servent pas les mêmes publics. Celui de ces marchés qui souffre véritablement, c'est celui de la BD de distraction destinée au grand public adolescent et adulte, souvent organisée dans le cadre de genres comme le polar, la fantasy, l'aventure historique, etc. Cette BD, publiée sous forme d'albums cartonnés en couleurs d'une cinquantaine de pages, est en perte de vitesse. Et il est difficile d'imaginer comment elle ne le serait pas puisqu'elle traîne toujours les handicaps structurels qu'elle avait déjà il y a une vingtaine d'années, quand le marché se réduisait à environ 6 à 700 sorties annuelles (contre environ 5000 aujourd'hui) : cherté du support, fréquence de publication trop lente (un album par an), lecture trop rapide… Face à la concurrence des comics américains, des mangas, des séries télé, du cinéma, des jeux vidéo, cette BD de distraction fait de moins en moins le poids. Du moins dans sa présentation actuelle, dans son format de publication actuel. Et sa rentabilité globale est en chut libre. D'où la question : trouvera-t-on le moyen de la rendre à nouveau rentable et quelque peu populaire avant qu'elle ne meure de sa belle mort ?

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