lundi 13 décembre 2010

Internet sauvera-t-il la création BD ?

L'arrêt des activités du Comptoir des Indépendants commence a susciter sur la toile des réactions diverses. Une remarque m'a fait plus qu'un peu tiquer, celle d'un commentateur qui avançait, en substance, que l'auto-édition ou l'édition par de petites structures éditoriales associatives n'avait plus de raison d'être. En effet, à l'ère d'internet, un auteur n'aurait qu'à mettre ses œuvres en ligne pour "se faire connaître" du public et, tôt ou tard, d'un éditeur véritable (c'est-à-dire prêt à le payer pour l'éditer).

Je trouve que c'est faire montre de beaucoup d'optimisme.

L'image du directeur de collection d'une grande maison d'édition passant des heures à seurfer pour trouver ses futurs talents est une pure illusion. Que des auteurs aient été publiés grâce à l'effet internet, c'est un fait avéré, mais regardons bien deux des exemples les plus connus, Pénélope Bagieu et Bastien Vivès. La première a été publiée après que son blog ait connu une énorme fréquentation. Le second a envoyé un dossier à un jeune éditeur (KSTR) qui cherchait de nouveaux talents par le biais d'internet. Tous deux avaient écrit et dessiné des œuvres publiables selon les critères actuels de l'édition BD.

Il existe, en effet, dans le monde de la bande dessinée, une sorte de raisonnement circulaire récurrent qui veut que l'on ne publie que ce qui est publiable - entendez par là, ce qui ressemble suffisamment à ce qui est déjà publié pour ne pas risquer de dérouter le public. Les éditeurs qui prennent le plus de risques dans leurs choix d'œuvres à publier sont généralement ceux qui ont le plus à perdre en cas d'échec. Les "gros", dont on pourrait penser qu'ils auraient, grâce aux revenus rapportés par leurs succès de librairie, les moyens de prendre des risques, ne le font que très rarement, voire jamais.

Mais quid de celui ou celle qui réalise quelque chose de trop différent ? Voire de tellement différent que cela ne sera jamais publiable, en tout cas, pas avant une vingtaine d'années au bas mot ? Je ne pense pas que ceux-là, s'ils veulent donner à leurs œuvres une version imprimée, puissent se passer de l'auto-édition ou des petites structures. Et internet leur sera utile, pour "se faire connaître" - mais pas des éditeurs, des lecteurs susceptibles d'apprécier suffisamment leur travail pour l'acheter. Certes, ils ne vivront pas de leur travail mais quel pourcentage d'auteurs de BD professionnels ne vit que de la réalisation de bandes dessinées ?

Ne voir dans internet qu'un tremplin de professionnalisation pour jeunes "créateurs" en devenir est en proposer une vision sacrément réductrice, aussi réductrice que lorsqu'elle s'appliquait aux fanzines et aux éditeurs "indépendants". Mais peut-être une telle myopie est-elle inévitable quand on ne considère la bande dessinée que comme un secteur économique et non pas comme un moyen d'expression ?

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