mardi 21 décembre 2010

La Nouvelle Bande qui dessine

Je ne sais pas pourquoi, ce matin, je me suis mis à repenser à ce livre d'Hugues Dayez intitulé La Nouvelle Bande dessinée paru en 2002 aux éditions Niffle. Constitué d'interviews d'auteurs, il a surtout été retenu pour son titre, qui a été largement repris, en particulier dans la presse généraliste qui se mettait, à cette époque, à parler de bande dessinée. Les médias sont friands d'étiquettes, de labels permettant de résumer en deux mots une "tendance", et l'ouvrage de Dayez leur fournissait sur un plateau une expression d'autant plus séduisante qu'elle évoquait la Nouvelle Vague et autres nouveaux quelque chose qui flattent dans le sens du poil la haute idée que se font les Français de leur importance dans la culture contemporaine. Et dommage, au passage, pour Frédéric Boilet qui tentait de populariser l'expression Nouvelle Manga, qu'il avait créée pour désigner une bande dessinée en phase avec le réel, à la rencontre des tendances les plus modernes des BD francophone et japonaise.
Ce qui est frappant, dans le succès de l'expression, "nouvelle bande dessinée", c'est que d'une part, elle a plutôt été boudée par le monde de la BD, et que d'autre part, il semble que ce que les médias en aient retenu, ce n'est pas qu'il y avait une nouvelle BD en train de se faire mais une "nouvelle bande" de dessinateurs dont les travaux étaient à la mode. L'accroche médiatique était moins l'émergence d'un mouvement de fond dans l'approche de la bande dessinée que celle d'une génération d'auteurs ayant tous peu ou prou le même âge, qui se connaissaient entre eux, et travaillaient souvent au sein du même atelier forcément parisien, l'Atelier des Vosges. Bref, tout cela sentait bon la Bohème et la success story, avec un côté people très en phase avec la modernité. Des auteurs de BD dans un atelier, n'était-ce pas une sorte de Loft Story ?
La bande dessinée japonaise, dont il faut bien avouer que la réalisation n'a rien de très glamour (travail en équipe, cadences infernales, diktats du marché par le biais des référendums…) porte un intérêt non démenti depuis des décennies pour Tokiwasô, cet immeuble d'appartements bon marché où toute une génération de jeunes auteurs de BD habita dans les années 1950. Et pour cause : c'est le seul moment, en dehors de l'histoire d'Osamu Tezuka, qui est plutôt un parcours individuel, où un groupe d'auteurs de BD (ou ce qui ressemblait à peu près à un groupe) semblait crier à la face du monde "Nous sommes beaux, nous sommes jeunes, nous allons révolutionner notre média et devenir des superstars par la même occasion".
Qui pourrait résister à ce genre de récit ?
Car c'est bien d'un récit qu'il s'agit : un média qui devient narration à travers ce qui arrive à des personnages. De même qu'en musique, les Beatles offrent un récit très clair (débuts difficiles, succès foudroyant, évolution qui amène à la séparation), certains seront tentés de lire l'histoire de l'Association selon le même schéma. C'est tellement tentant.
Mais la réalité résiste à cette mise en récit assorti de l'obligatoire happy end. Ce qui se fait de plus intéressant en bande dessinée moderne n'est pas nécessairement le fait d'auteurs qui se transforment en cinéastes (le nec plus ultra de la promotion sociale pour un auteur de BD, n'est-ce pas ?) ou la nouvelle success story, celle du petit blogueur (ou de la petite blogueuse) qui devient une superstar grâce au bouche à oreille.

Aucun commentaire: